Efederation-auto-entrepreneur (20.05.2019) Examinée par les députés depuis le début de la semaine, la loi d’orientation des mobilités entre dans la dernière ligne droite. En tant qu’acteurs désormais majeurs de la mobilité, les plateformes figurent au cœur du projet : l’article 20 – introduit dans le projet de loi initial – se saisit du sujet crucial de la responsabilité sociale des plateformes, y compris celles opérant hors du secteur des transports.
Tribune publiée dans Le Monde par Grégoire Leclercq, Président de la Fédération Nationale des autoentrepreneurs et administrateur de la Sécurité Sociale des Indépendants
Examinée par les députés depuis le début de la semaine, la loi d’orientation des mobilités entre dans la dernière ligne droite. En tant qu’acteurs désormais majeurs de la mobilité, les plateformes figurent au cœur du projet : l’article 20 – introduit dans le projet de loi initial – se saisit du sujet crucial de la responsabilité sociale des plateformes, y compris celles opérant hors du secteur des transports.
L’idée est simple : à travers l’adoption d’une « Charte sociale », chaque plateforme pourra proposer aux travailleurs indépendants qui utilisent son service des dispositifs de responsabilité sociale adaptés à leur activité.
L’article 20 est un premier pas nécessaire et attendu depuis longtemps par l’ensemble des acteurs (plateformes françaises comprises) et le fruit d’un dialogue social continu entre plateformes, représentants des autoentrepreneurs et services de l’Etat. C’est surtout une première pierre au chantier ambitieux et complexe de la protection sociale de tous les actifs. En tant que président de l’organisation représentative des autoentrepreneurs, je suis aujourd’hui confiant dans la capacité du législateur à prévoir un dispositif précisément défini et suffisamment délimité pour garantir aux travailleurs indépendants de meilleures conditions dans leur relation avec les plateformes.
Préfigurer la protection sociale de tous les actifs
Soyons clairs : l’article 20 de la LOM n’est pas le blanc-seing donné aux plateformes que certains voudraient laisser croire. C’est un dispositif vertueux car la charte sera contrôlée, discutée et enrichie. Elle devra au préalable être validée par l’administration chargée d’en mesurer la pertinence. La députée Bérangère Couillard, rapporteure du texte à l’Assemblée, a précisé qu’un « socle de règles obligatoires » serait imposé aux plateformes et devrait figurer dans leurs chartes.
La charte pourra également être discutée entre travailleurs et plateformes, par exemple une fois par an dans une forme de dialogue social renouvelé.
Elle aura, enfin, vocation à s’enrichir : pour rester attractive, chaque plateforme sera incitée à proposer à ses partenaires une charte avantageuse, générant un effet vertueux sur l’ensemble du secteur. Grâce aux planchers relativement bas définis dans la loi El Khomri, les indépendants n’auront aucun frein à exercer une activité « multi-plateforme » : ils pourront aisément bénéficier de droits sur l’ensemble des applications où ils génèrent un chiffre d’affaires.
Clarifier et enrichir le droit
La charte vient également clarifier la zone grise dans laquelle se situent les indépendants dont l’activité est générée par les plateformes. Elle n’instaure en rien un « 3ème statut ». Dire cela, c’est oublier que le monde des indépendants recouvre des situations aussi disparates que les pigistes, vendeurs à domicile, artistes-auteurs ou gérants assimilés-salariés, qui sont autant de travailleurs indépendants exerçant sous des formes diverses. Les travailleurs des plateformes ne sont ni une catégorie à part, ni un régime nouveau : ils ne sont qu’un exemple de plus dans ce paysage multiforme ou mouvant des indépendants.
Cette charte viendra enfin enrichir le droit tout en respectant l’indépendance des pouvoirs législatifs et judiciaires.
En aucun cas la plateforme ayant proposé une charte bénéficierait d’une présomption irréfragable de travail indépendant ! Chacun sait pertinemment que ce type de disposition serait anticonstitutionnel. Il s’agit en revanche de permettre à des donneurs d’ordre – et voyons plus loin que les plateformes – de ne pas risquer la requalification pour avoir voulu imposer des contraintes de sécurité ou apporter une mutuelle négociée à ces sous-traitants… Qui pourra dire qu’il n’y a pas urgence ?
Repenser la protection sociale selon la logique des petits pas
Au-delà de ce débat bien spécifique, il est évident que la protection sociale dans son ensemble devra être repensée et refondée pour s’adapter aux mutations plus profondes du monde du travail. La Fédération des autoentrepreneurs est depuis deux ans invitée à la table des négociations : nous discutons avec la Sécurité Sociale des Indépendants d’un véritable contrat de progrès social pour tous les travailleurs indépendants. Le chemin est subtil mais il existe : l’autoentrepreneur à l’ère des plateformes réconcilie les actifs autour de la valeur de leur parcours, plus que sur la dénomination de leur statut.
La LOM nous offre aujourd’hui la possibilité de faire un premier pas dans la direction de ce nouveau modèle en mettant à contribution les acteurs concernés. Au lieu de rejeter cette charte, au motif qu’elle ne serait pas suffisante, je préfère la considérer comme le « pilote » de ce futur droit de l’actif que j’appelle de mes vœux. Au lieu de choisir l’immobilité, ayons l’ambition de commencer à avancer.