France: E-santé - comment la technologie repense l’assurance santé

Submitted by fabbri on Tue, 05/08/2018 - 09:32
Body

Les Echos (03.05.2018) En s’appuyant sur la technologie, les assureurs santé cherchent à prévenir les risques et réduire les coûts de traitement tout en repensant leur relation client. Le secteur de la santé est l'un des trois piliers de l'industrie de l'assurance, avec 1 400 milliards de dollars de primes d'assurance en 2017 selon McKinsey. Les dépenses publiques de santé et de soins devraient quant à elles passer à 14 % dans les pays de l'OCDE d'ici 2060 (contre environ 6 % aujourd'hui) selon les prévisions de l'OCDE. Et, alors que l'espérance de vie augmente et que les maladies deviennent plus coûteuses à traiter, les assureurs cherchent des moyens pour prévenir les maladies et pour réduire les coûts de traitement. C'est ici que la technologie devrait être utile.

Regions / Country
Global challenges
Document Type
Digital Economy Topical Cluster
Digital Economy Observatory : Only Tags
Description/integral text (Internal-not for publishing)

En s’appuyant sur la technologie, les assureurs santé cherchent à prévenir les risques et réduire les coûts de traitement tout en repensant leur relation client.

Le secteur de la santé est l'un des trois piliers de l'industrie de l'assurance, avec 1 400 milliards de dollars de primes d'assurance en 2017 selon McKinsey. Les dépenses publiques de santé et de soins devraient quant à elles passer à 14 % dans les pays de l'OCDE d'ici 2060 (contre environ 6 % aujourd'hui) selon les prévisions de l'OCDE. Et, alors que l'espérance de vie augmente et que les maladies deviennent plus coûteuses à traiter, les assureurs cherchent des moyens pour prévenir les maladies et pour réduire les coûts de traitement. C'est ici que la technologie devrait être utile.

Les GAFA ouvrent la voie pour l'innovation en santé

À ses débuts, Fitbit a développé des bracelets connectés pour suivre le nombre de pas effectués chaque jour. Aujourd'hui, il propose des dispositifs liés à la santé comme les balances connectées et les montres qui contrôlent la fréquence cardiaque. L'entreprise a récemment racheté Twine Health pour pouvoir gérer des données plus complexes comme l'hypertension et le diabète. Elle a aussi investi 6 millions de dollars dans Sano, qui conçoit un patch pour suivre le taux de sucre dans le sang.

Nokia a également rejoint le domaine de la santé connectée en mai 2016 avec le rachat de Withings, un fabricant d'objets connectés pour la santé, pour 170 millions de dollars, renommé "Nokia Health" en juin 2017.

Plus récemment, Apple a développé de nouvelles fonctionnalités sur sa montre connectée pour aller au-delà des capacités de suivi fitness. Ses capteurs sont tellement précis qu'une étude clinique récente montre qu'ils peuvent détecter le diabète avec une précision de 85 %. L'an dernier, l'Université de Californie à San Francisco est arrivée à la conclusion que la montre peut détecter les anomalies cardiaques les plus courantes avec une précision de 97 %. Apple a même intégré une section "Données santé" dans sa nouvelle version d'iOS afin de stocker toutes les données de santé à un seul endroit (consultation avec le médecin, hospitalisation, résultats de tests médicaux...) De son côté, Google a commencé à suivre les données de santé de 10 000 bénévoles pour créer une carte de santé humaine en partenariat avec Stanford Medicine.

Amazon s'est associé à JP Morgan et Berkshire Hathaway pour entrer dans le domaine de l'assurance maladie ciblant leurs employés américains. Au-delà de cette initiative, l'entreprise serait en pourparlers avec des fabricants de médicaments génériques. Cela aurait du sens d'utiliser sa chaîne logistique et d'appliquer ses processus efficaces pour la distribution des médicaments, ce qui réduirait au final le coût des médicaments pour les patients (et donc pour les assureurs qui les remboursent).

Les assureurs lancent plusieurs initiatives

Pour faire face à ces concurrents externes, les assureurs affirment de plus en plus qu'ils veulent changer leur relation avec les clients. En essayant de recueillir plus de données sur les clients, ils espèrent mieux comprendre leurs besoins et augmenter le niveau d'engagement qu'ils ont avec eux en ajoutant de nombreux points de contact.

Aux États-Unis, AXA s'est associé avec Oscar Health, le premier et le plus grand acteur de l'assurance maladie 100 % numérique, qui prévoit de générer 1 milliard de dollars de chiffre d'affaires cette année, selon son PDG. Au-delà de ce contrat de réassurance, AXA a racheté Maestro Health au début de l'année pour 155 millions de dollars. Grâce à cette plateforme, les PME peuvent gérer plus efficacement l'administration de leurs prestations de santé, ce qui permet d'en réduire le coût.

En France, AXA s'est associée à H4D qui développe des stations de téléconsultation. Il est prévu de les installer dans les PME pour faciliter l'accès à un médecin et se différencier du simple remboursement des frais médicaux. De nombreuses mutuelles proposent également des téléconsultations à leurs clients : Matmut est partenaire de la startup Medaviz, et Harmonie Mutuelle a racheté la startup MesDocteurs.com à la fin de l'année dernière. AG2R La Mondiale a lancé un kiosque d'applications de santé numérique en 2016 pour présenter des applications mobiles en lesquelles les clients peuvent avoir confiance dans le domaine du fitness, du bien-être ou des soins.

Plus largement en Europe, Generali a lancé une initiative santé "Vitality" pour aider les clients à avoir un comportement plus sain. Elle comptait 2 000 PME et 40 000 salariés abonnés à la fin de l'année dernière. En 2015, déjà, John Hancock offrait des réductions sur les polices d'assurance maladie à ses clients américains qui ont accepté de partager leurs données.

Les startups offrent des opportunités intéressantes

La plupart de ces initiatives impliquent des startups, car il n'existe pas de solution unique. Les assureurs doivent donc développer un écosystème de technologies et de startups autour d'eux pour relever leurs défis actuels : augmenter le nombre de points de contact avec les clients, comprendre les comportements pour mieux prévenir les risques, et réduire les coûts des soins. Les startups pourraient se concentrer sur la technologie et les assureurs pourraient la déployer auprès de leurs nombreux clients. Cette perspective est à l'origine des 5,8 milliards de dollars investis l'an dernier dans des startups de santé numérique dans le monde entier selon RockHealth, en hausse de 30 % par rapport à l'année précédente.

Pour augmenter le nombre de points de contact et offrir des services supplémentaires, la téléconsultation est désormais clé pour la plupart des assureurs et des mutuelles. Selon Roland Berger, ce secteur va passer à 26 milliards de dollars en 2020, contre 14 milliards de dollars en 2016. De nombreuses startups se tournent vers ce domaine.

Au Royaume-Uni, Push Doctor ou VideoDoc se tournent vers ce marché et Babylon a levé 85 millions de dollars. En Allemagne, Medlanes et TeleClinic proposent des téléconsultations. En France, il y a de nombreux concurrents : Medicitus, Hellocare, Medaviz, Directodoc, Avis2sante ou Qare. Et plus généralement en Europe, plusieurs acteurs proposent ce type de services : ViviDoc en Belgique ou KRY en Suède. Tous ces acteurs n'offrent pas le même niveau de services : de la téléconférence avec un médecin, aux consultations vidéo via une application mobile, ou bien l'utilisation de l'intelligence artificielle pour préqualifier avant toute interaction avec un médecin. Le plus gros acteur dans ce domaine reste le Chinois Ping An Good Doctor qui a levé 500 millions de dollars en 2016.

Avec 9 % des personnes atteintes de diabète dans le monde selon l'Organisation mondiale de la santé, de nombreuses startups se tournent vers ce marché. La plupart de ces startups s'appuient sur l'IoT : YOFi Meter, VisioMed, MySugr, GlucoMe ou Voluntis vendent un glucomètre connecté ; Medtronic a développé un produit de contrôle continu de la glycémie qui se connecte à votre smartphone. DietSensor a lancé une application liée au diabète qui aide à avoir une nutrition plus saine, en particulier pour calculer les glucides ou gérer la perte de poids. One Drop s'appuie également sur un objet connecté et du logiciel pour améliorer les comportements. Hedia a développé une application tirant parti du Machine Learning pour vous aider à mieux gérer le diabète en suggérant la dose d'insuline dont vous avez besoin en fonction de votre comportement.

Pour aller plus loin dans la prévention, plusieurs startups collectent désormais des données provenant de nombreuses sources (IoT, suivi mobile...) afin d'évaluer le niveau de risque lié à des maladies spécifiques. HealthyHealth au Royaume-Uni a développé un algorithme pour prédire la probabilité de contracter l'une des 200 maladies qu'il surveille. BioBeats se concentre sur la prévention des maladies liées au stress. Elle recueille des données à partir de n'importe quel type d'objets connectés, évalue votre niveau de stress grâce à l'intelligence artificielle et interagit avec vous pour réduire ce niveau. Mimitec a développé 'health@home', un hub pour recueillir des données sur la santé qui approvisionnent leur plateforme d'apprentissage machine pour comprendre votre comportement et ensuite interagir avec vous pour être en meilleure santé. vHealth Lab en Croatie ou Preventicus en Allemagne, s'appuient sur l'intelligence artificielle pour interpréter les électrocardiogrammes en temps réel et permettre aux médecins de surveiller leurs patients en ligne. Il s'agit d'une combinaison de prévention, où la technologie aide à avoir un comportement plus sain, et une réduction des coûts en évitant les rendez-vous inutiles chez le médecin.

Pour mieux prédire et prévenir les maladies, la technologie nécessite une quantité importante de données pour être pertinente, et nous voyons de nombreuses startups surveiller les comportements en temps réel. Cela soulève le premier défi pour les assureurs et les startups : parvenir à ce que les gens acceptent de partager leurs données personnelles. Les clients ont vraiment besoin de comprendre les avantages du produit ou service pour permettre aux entreprises d'accéder à ces données si sensibles. Ceci sera encore plus difficile avec l'arrivée du RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données), car les entreprises auront besoin d'un consentement spécifique de leurs clients pour collecter des données et les exploiter.

Seuls les startups ou les assureurs avec d'excellents produits et expériences clients parviendront à obtenir ce consentement pour accéder aux données personnelles. Vient ensuite le défi de sécuriser ces données contre les cyber attaques, car les patients doivent s'assurer qu'aucune fuite ne puisse se produire lors d'échanges entre les médecins, les hôpitaux, les pharmacies, etc.

La cyber sécurité a un immense terrain de jeu ici, car la santé numérique n'en est encore qu'à ses débuts, et les assureurs s'intéressent à ces technologies pour repenser l'assurance maladie.