Challenges (mai 2018) Haro sur les ressources humaines qui ont fait de la révolution digitale leur nouvelle martingale ! Une étude du cabinet révèle que près d’un Français sur dix estime qu’il perdra son emploi en raison du numérique dans les prochaines années.
Fête du Travail?!? Au lendemain d'un 1er mai aux faux airs de Mai 68, c'est une étude criante de lucidité qu'a publié, ce 3 mai, le cabinet Julhiet Sterwen - entité née de la fusion en 2015 des sociétés de conseil Bernard Julhiet et SterWen Consulting – sur l'opinion des salariés français sur le monde du travail de demain. En tête, ces salariés se révèlent particulièrement éclairés sur l'impact de la révolution digitale sur leur métier et vie de bureau au quotidien. Un vrai avertissement pour les entreprises et dirigeants qui ont fait de cette révolution le nouveau Graal dans leur quête de performance.
Premier constat : en matière de digitalisation - comme sur le sujet de la croissance économique – les salariés Français sont toujours plus optimistes sur ses effets bénéfiques pour l'économie française et leur entreprise… que pour leur personne. " C'est le propre de cette étude : quand la plupart des sondages sur la révolution digitale compilent des données macroéconomiques ou mesurent l'opinion des décideurs, nous mettons à jour le ressenti des salariés, " souligne Marc Sabatier, le président de Julhiet Sterwen. Robotisation, intelligence artificielle, automatisation des tâches… si l'ensemble des salariés reconnaissent dans la mutation numérique une vraie opportunité pour leur boîte (70%) et le monde de l'entreprise en général (66%), ils sont beaucoup plus sceptiques pour leur propre carrière (58%) et l'évolution de la société française dans sa globalité (57%).
Menace davantage ressentie dans la banque et l’assurance
En tête, le sujet de l'emploi les taraude : seuls 14% des salariés pensent que le numérique générera plus d'emplois qu'il n'en supprimera. Encore plus lucides, 66% des sondés estiment que leur job existera encore mais aura subi de sérieux changements. Et 8% qu'il aura tout simplement disparu ! De manière assez surprenante, cette menace est davantage ressentie – ou ouvertement exprimée ? – par les salariés des grands groupes (12%), que ceux des ETI (6%) et des PME (7%). De quoi interpeller quelques DRH... Côté secteurs d'activité, c'est dans la banque et l'assurance que les troupes estiment le plus que leur emploi, après la déferlante, digitale, ne sera plus le même (75%) - ou ne sera plus, tout court (14%) ! Il est vrai que, d'Axa à la Société générale, en passant par La Banque Postale, plus aucune fonction ou guichet dans ces métiers n'est aujourd'hui épargnée. L'industrie, et ses mastodontes en quête d'agilité (Saint Gobain, Total, Michelin, Renault…), n'est pas en reste : 71 % des salariés estiment que leur emploi va changer et 12 % qu'il va disparaître. Elle est suivie par les télécommunications et la distribution, deux secteurs qui vivent la révolution digitale à marche forcée, dont respectivement 10% et 5% des sondés annoncent sans illusion la fin de leur emploi.
Plus alarmant encore pour ces entreprises qui ont fait du numérique leur premier instrument de conquête commerciale : dans cette course, les salariés ont souvent l'impression d'avoir été laissé au bord de la route. Ainsi 40% d'entre eux s'estiment mal, voire très mal, accompagnés dans ce changement. Une proportion qui grimpe à 47% dans les grandes entreprises ! Et à 48% dans le secteur financier…
Le flex office orné d'ordinateurs et de téléphones dernier-cri ne suffit pas à rendre heureux. Ce constat corrobore une autre étude, publiée en octobre dernier, également par Julhiet Sterwen. Le cabinet avait alors pointé le décalage entre la progression des taux d'équipement digital des entreprises et le peu répercussions sur l'organisation et le management. Ainsi seuls 12% des sondés travaillent en mobilité. Un tiers de ceux équipés en outils de travail collaboratif ou de stockage-partage avouent ne jamais les avoir utilisés. Quand un salarié sur deux déplore le manque d'accompagnement en termes de communication, de coaching ou de formation pour se mettre au parfum digital. Enfin, si 76% admettent que les nouvelles technologies leur permettent de gagner du temps, de l'efficacité (64%) et de l'autonomie (65%), un bon tiers (36%) estime que la transformation numérique exige l'acquisition de nouvelles compétences et l'instauration de nouveaux modes de travail.
Ultime preuve, s'il en fallait, que la révolution digitale est encore loin d'avoir bouleversé l'organisation et les postures managériales : 58% des managers estiment que grâce au digital, ils peuvent évoluer vers une posture de coach au sein de l'entreprise… mais ils continuent - helàs! - à inscrire cette posture dans une organisation pyramidale. Mais à quoi bon faire tomber les cloisons si c'est pour multiplier les strates et les réunions ?