EurActiv (19.03.2019) En dépit d’un taux d’activité record, les personnes âgées sont en proportion bien plus souvent en situation de chômage de longue durée que le reste de la population (60,2% contre 41,8%).
Les difficultés des seniors sur le marché du travail restent bien ancrées. Selon la dernière étude du ministère du Travail publiée ce lundi 18 mars, la proportion de chômeurs de longue durée reste nettement supérieure chez les plus âgés par rapport au reste de la population active. Ainsi, 60,2% des plus de 55 ans étaient au chômage depuis plus d’un an en 2018 contre 41,8% pour l’ensemble des chômeurs de 15 à 64 ans.
Cet écart persistant révèle les difficultés des personnes plus âgées à retrouver un emploi alors que le taux de chômage en France demeure à des niveaux élevés. Les dernières prévisions de la Banque de France publiées en fin de semaine dernière signalent que la baisse du chômage devrait se poursuivre dans les années à venir, mais à un rythme relativement lent. L’institution bancaire prévoit en effet que le taux de chômage au sens du Bureau international du travail (BIT) devrait atteindre 8,7% en 2019 contre 8,3% en 2020, et 8% en 2021 après 9,1% en 2018 sur la France entière. Avec le ralentissement de la croissance tricolore, l’objectif d’Emmanuel Macron de ramener le chômage en dessous de la barre des 7% avant la fin de son quinquennat s’éloigne un peu plus.
Le chômage des seniors repart
Sur le front du chômage, la situation des personnes les plus âgées se dégrade à nouveau. Le taux de chômage pour les plus de 55 ans a atteint 6,5% en 2018. Au cours de cette année, le taux de cette catégorie a bondi de 0,5 point alors qu’il a légèrement fléchi pour les autres actifs (-0,2 point). Au niveau des disparités entre les femmes et les hommes, le taux de chômage est plus faible pour les premières (6,2% contre 6,8% chez les hommes) dans le groupe des plus de 55 ans. L’embellie de 2017 liée notamment à une importante amélioration de la conjoncture française et mondiale a été de courte durée.
Explosion du nombre de chômeurs chez les seniors depuis la crise
La crise économique de 2008 a eu des effets dévastateurs chez les personnes plus âgées. D’après les chiffres relayés par le service de statistiques du ministère (Dares), le nombre de chômeurs a explosé sur la décennie 2008-2018 de 179% pour les 55 ans contre 21% pour les 15-64 ans. Plusieurs facteurs peuvent expliquer un tel contraste. Outre les conséquences terribles de la baisse de l’activité sur le marché du travail, les auteurs de l’étude avancent des évolutions démographiques très contrastées et « comportements d’activité de ces deux tranches d’âge ». Ainsi, la Dares souligne que le nombre de seniors a considérablement augmenté sur cette période (+9% chez les 55-64 ans) tandis que la population des 15-54 ans a légèrement diminué (-2%). Par ailleurs, la participation au marché du travail des plus âgés s’est accrue (18,8 points pour le taux d’activité sous-jacent des 55-64 ans. Cet indicateur permet « de gommer les poids démographiques inégaux des tranches d’âge inclus dans le taux » comme l’arrivée de la génération du baby-boom à la retraite) alors qu’elle est restée stable pour les plus jeunes.
Un taux d’activité en hausse
En dépit d’une hausse du chômage, le taux d’activité (*) s’améliore pour les plus âgés. Ainsi, cet indicateur a atteint 56% des personnes âgées de 55 à 64 ans en France hors Mayotte. « Cette moyenne résulte d’un taux d’activité élevé à 55 ans qui décroît rapidement à partir de 59 ans. Alors que 77,2% des 55-59 ans sont actifs, ils ne sont plus que 33,5 % parmi les 60-64 ans », résument les auteurs de la note. Le taux d’activité a ainsi bondi de 20,6 points entre 2003 et 2018. Cette évolution s’explique en grande partie par la multiplication de réformes visant à repousser l’âge de départ à la retraite sur les 25 dernières années. Les experts de l’administration ont ainsi recensé pas moins de 9 mesures visant à retarder l’âge de départ et favoriser les situations de cumul d’emploi et de retraite depuis 1993.
Outre ces réformes, plusieurs dispositifs visant à limiter les cessations anticipées d’activité ont également été supprimés ou limités. Ainsi, la proportion de personnes bénéficiant de départs anticipés a quasiment été divisée par trois entre fin 2006 (9,4%) et fin 2012 (3,3%). Cette part s’est légèrement redressée à partir de 2014 (4,2%) avec l’augmentation des retraites anticipées pour carrière longue.
Des emplois à temps partiel
Un des résultats marquant de l’enquête est que les seniors occupent en proportion plus souvent des emplois à temps partiel que le reste de la population active occupée. Ainsi, près d’un quart (25,5%) des plus de 55 ans occupaient un emploi de ce type en 2019 contre 18,5% pour les autres personnes en emploi. L’étude souligne néanmoins que le temps partiel est plus souvent choisi que subi contrairement à d’autres populations encore plus sensibles à la précarité.
L’autre signe de difficulté visible dans les résultats de la Dares est que le halo du chômage pour les personnes plus âgées s’amplifie. Cette notion, souvent mal connue, regroupe les personnes qui ne sont même plus inscrites à Pôle emploi, soit parce qu’elles ne recherchent pas d’emploi par découragement, soit parce qu’ils ne sont pas disponibles rapidement pour travailler ou n’y trouvent pas un intérêt financier. « En moyenne en 2018, 2,6% des 55-64 ans font partie du halo autour du chômage, une part quasi stable depuis 2015 », explique la Dares, mais cette part a évolué à la hausse depuis le début des années 2000 d’après les chiffres rapportés par le ministère. Cette catégorie, relativement difficile à mesurer, est souvent concernée par un phénomène marqué de pauvreté. Ainsi, selon une récente présentation du conseil d’orientation des retraites (COR), le taux de pauvreté pour les personnes de 50-69 ans faisant partie du halo était de 41,3% contre 5,3% pour les personnes à la retraite.
(*) Le taux d’activité est le rapport entre le nombre d’actifs (actifs occupés et chômeurs) et l’ensemble de la population correspondante selon la définition de l’Insee.