En Espagne, Pedro Sanchez annonce une hausse du salaire minimum de 22 %

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Le Monde (13.12.2018) Selon le ministère du travail, l’augmentation touchera de manière directe 1,3 million de travailleurs, dont la rémunération se situe actuellement sous la barre des 900 euros.  « Un pays riche ne peut pas avoir des travailleurs pauvres. » Le chef du gouvernement espagnol, le socialiste Pedro Sanchez, a justifié en ces termes l’augmentation, dès janvier 2019, du salaire minimum (SMI) de 22,3 %, qu’il approuvera lors du conseil des ministres du 21 décembre. Le SMI passera de 637 euros mensuels actuellement à 900 euros (sur quatorze mensualités, soit 1 050 euros par mois sur douze mois). Il s’agit de sa plus forte hausse depuis 1977.

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« Un pays riche ne peut pas avoir des travailleurs pauvres. » Le chef du gouvernement espagnol, le socialiste Pedro Sanchez, a justifié en ces termes l’augmentation, dès janvier 2019, du salaire minimum (SMI) de 22,3 %, qu’il approuvera lors du conseil des ministres du 21 décembre. Le SMI passera de 637 euros mensuels actuellement à 900 euros (sur quatorze mensualités, soit 1 050 euros par mois sur douze mois). Il s’agit de sa plus forte hausse depuis 1977.

Cette mesure n’est pas une surprise. Elle avait déjà été avancée, le 11 octobre, lorsque Pedro Sanchez et le chef de file du parti de la gauche radicale Podemos, Pablo Iglesias, ont signé un accord sur le projet de loi de finances 2019. Cependant, le gouvernement n’ayant pas encore reçu le soutien de la majorité du Parlement à ce sujet, M. Sanchez a décidé de présenter les points phares de son budget par décret-loi, dès à présent.

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Selon les chiffres du ministère du travail, la hausse du SMI touchera de manière directe 1,3 million de travailleurs, dont le salaire se situe actuellement sous la barre des 900 euros, auxquels s’ajouteront près de 700 000 travailleurs agricoles et 400 000 femmes de ménages, dont la rémunération horaire augmentera grâce à cette mesure.

Elle pourrait aussi permettre de réduire les écarts de salaires entre les hommes et les femmes, puisque 57 % des personnes qui perçoivent moins de 900 euros par mois appartiennent à la gent féminine. Les employés de commerces et de garages automobiles, les postes administratifs et l’hôtellerie sont les principaux concernés.

Selon les calculs du gouvernement, la mesure pourrait lui coûter 340 millions d’euros, largement compensés par le fait que la Sécurité sociale pourrait ainsi engranger 1,5 milliard d’euros supplémentaires de cotisations sociales. Et ce, malgré les pertes d’emplois qui pourraient se produire du fait de cette augmentation du SMI.

Le texte de l’accord sur le budget signé par MM. Sanchez et Iglesias justifiait la hausse en rappelant que « les salaires minimums sont un outil social puissant qui peut contribuer significativement à prévenir la pauvreté et favoriser une croissance générale des rémunérations plus dynamique. Pour cela, les salaires doivent garantir aux travailleurs un niveau de vie digne et la satisfaction de leurs besoins et ceux de leur famille ».

Désaccord du patronat

Selon l’Organisation internationale du travail, les salaires ont baissé de 4 % en Espagne depuis 2008, malgré les hausses de plus de 1 % enregistrées en 2013 et 2014 et la stagnation observée depuis. Or, dans le même temps, les prix de l’immobilier ont repris une courbe ascendante, avec des hausses très soutenues dans les grandes villes, allant jusqu’à près de 19 % en un an à Madrid, ce qui fait craindre une nouvelle bulle.

En accord avec les syndicats et les chefs d’entreprise, fin 2017, l’ancien gouvernement conservateur de Mariano Rajoy, renversé en juin, avait lui aussi prévu une augmentation du SMI, mais moindre, de 736 euros à 773 euros en 2019, et 850 euros en 2020, et seulement à condition que l’économie affiche plus de 2,5 % de croissance et 450 000 créations d’emplois annuelles.

L’augmentation de M. Sanchez n’a en revanche pas reçu l’approbation du patronat, non consulté, qui a manifesté son désaccord. L’Institut d’études économiques dépendant de la Confédération espagnole des organisations d’entreprises a averti, en octobre, que « si le SMI atteint un certain niveau, les travailleurs dont la productivité est inférieure à ce niveau auront un risque élevé de perdre leur emploi ou de rester au chômage ». Le 15 novembre, le Cercle des chefs d’entreprise espagnols a aussi prévenu que « l’augmentation de 22 % du SMI provoquera des destructions d’emplois, une [hausse] de l’économie souterraine et (…) des inégalités ».

En revanche, fin novembre, le secrétaire général de l’Organisation de coopération et de développement économiques, le Mexicain José Angel Gurria, a soutenu l’augmentation du SMI en Espagne et rappelé que le salaire minimum sert de « protection sociale minimale afin d’éviter qu’il existe des emplois d’extrême précarité de sorte que des familles ne puissent même pas avoir une vie digne avec un emploi ».

Alors que l’Espagne fait face à la montée du parti d’extrême droite Vox, qui a fait irruption au Parlement d’Andalousie, avec 11 % des voix aux élections régionales du 2 décembre, « l’augmentation du SMI à 900 euros est le genre de mesures qui freinent les poussées de populisme et de xénophobie dans les zones les plus déprimées », veut croire une dirigeante socialiste andalouse.