[Opinion] Suisse: Dépenses de santé: vers d’inévitables arbitrages

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Le Temps (28.06.2018) Plutôt que de se focaliser sur une médecine de pointe, le débat sur le coût de la santé devrait davantage prendre en compte les dépenses de prévention, estime le médecin Julien Dupraz

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Plutôt que de se focaliser sur une médecine de pointe, le débat sur le coût de la santé devrait davantage prendre en compte les dépenses de prévention, estime le médecin Julien Dupraz

as une semaine ne passe sans que les enjeux liés à notre système de santé ne fassent la une, et pour cause: l’augmentation des coûts constitue une menace immédiate pour un modèle dont le financement devient très problématique. L’élaboration de réformes est entravée par les intérêts divergents des nombreux acteurs concernés (citoyens, patients, fournisseurs de prestations, Etat, assureurs, pharmas, etc.) A ce titre, les récentes propositions d’augmentation des franchises dans la LAMal trahissent une incapacité crasse à imaginer des solutions sortant du cadre actuel et pouvant fédérer les différents protagonistes.

Les défis auxquels nous faisons face ne peuvent être relevés que par une pluralité de mesures, impliquant des concessions de tous les acteurs. Cependant, une profonde remise en question de notre rapport à la consommation de soins est également nécessaire. En effet, s’il est indéniable que l’efficience du système peut être améliorée et des gaspillages de ressources évités, on voit mal comment le modèle en place pourra, à terme, continuer de financer la totalité des prestations médicales existantes. Rien n’indique que l’apport constant de nouveaux moyens diagnostiques et thérapeutiques, souvent onéreux, va se tarir. Or, ces derniers contribuent de manière substantielle à la hausse des dépenses de santé, plus que le vieillissement démographique.

Rôle des inégalités

Des arbitrages entre certaines prestations seront vraisemblablement inéluctables à terme. L’Académie suisse des sciences médicales l’évoquait dans un rapport publié en 2007 déjà, qui concluait notamment «qu’il existera toujours, au sein du système de santé, un décalage entre ce qui est souhaitable et ce qui est réalisable» et que «la vraie question n’est pas de savoir s’il faut poser une limite, mais de savoir où la fixer et, en particulier, comment s’y prendre». Cependant, s’il est reconnu que des comportements de rationnement existent d’ores et déjà, ils ne font l’objet d’aucun contrôle.

Comme l’ont montré certaines polémiques récentes (pour ne citer que deux exemples, le remboursement de médicaments très coûteux comme le Myozyme, ou l’instauration d’une limitation liée à l’âge de certaines prestations chirurgicales), ce débat soulève des questions éthiques fondamentales et génère des réactions extrêmement virulentes, le rendant explosif sur le plan politique, ce qui n’aide pas à le placer sur le devant de la scène.