France: La Cour des comptes s’invite dans le débat sur l’assurance-chômage

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Le Monde (14.03.2019) Dans une communication rendue publique mercredi, la haute juridiction préconise de revoir les règles d’indemnisation pour les personnes qui sont inscrites à Pôle emploi et exercent par ailleurs une activité.

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comptes apporte une contribution qui ne passe pas inaperçue. Elle se présente sous la forme d’une communication – un référé, dans le jargon de la haute juridiction –, rendue publique mercredi 13 mars, soit deux mois et demi après avoir été transmise au premier ministre, Edouard Philippe.

Ce document de huit pages formule plusieurs recommandations, notamment sur le calcul de l’indemnisation des demandeurs d’emploi, qui convergent avec les objectifs du gouvernement. Pour les magistrats de la rue Cambon, le régime doit être transformé de manière à « assurer une meilleure équité de traitement » entre allocataires et réduire « l’enchaînement de contrats de très courte durée ». Deux préoccupations qui correspondent très exactement au projet de l’exécutif. Seul petit problème : certaines des solutions esquissées dans le référé passent très mal, du côté des syndicats.

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Dans son enquête, la Cour des comptes s’attaque à deux sujets-clés. Primo : le système dit de « l’activité réduite », qui permet à une personne d’être inscrite à Pôle emploi tout en ayant un poste, et de cumuler (sous certaines conditions) un salaire avec une allocation. L’autre point passé au crible porte sur les « droits rechargeables » – un mécanisme qui donne la possibilité, à un demandeur d’emploi, d’étoffer son capital de droits à indemnisation, chaque fois qu’il retravaille.

Le but de ces deux dispositifs, comme le rappelle le référé, est de « sécuriser les parcours » d’individus en situation précaire et de faire en sorte que ceux-ci aient toujours intérêt « à reprendre un emploi ». Toutefois, déplore la Cour, de telles dispositions engendrent parfois des effets pervers. Exemple : le salarié qui occupe plusieurs emplois et qui en perd au moins un peut percevoir l’intégralité de l’allocation « correspondant à l’emploi perdu » avec la rémunération issue des activités qu’il a conservées. Ce cas de figure est susceptible « de donner lieu à des abus », notamment parce que le montant de l’indemnisation reste inchangé, même si les revenus tirés des activités exercées progressent, de leur côté.

« Incompréhension » des allocataires

Autre critique de la Cour des comptes : les modalités d’indemnisation sont « complexes » et « trop favorables » aux individus signataires d’un contrat de moins d’un mois. Elles offrent la faculté de cumuler un salaire et une prestation de l’assurance-chômage « sans limite de durée » – ce qui tend, du même coup, à enfermer la personne dans la précarité. En outre, l’allocation est basée sur un paramètre – le salaire journalier de référence – qui peut s’avérer plus avantageux pour ceux travaillant de façon fractionnée par rapport à d’autres, employés d’une manière continue. Une analyse qui avait d’ailleurs été développée par M. Philippe et par la ministre du travail, Muriel Pénicaud, lorsqu’ils avaient exposé les grands axes de la réforme de l’assurance-chômage, le 26 février.

Pour autant, nuance la haute juridiction, les chômeurs ont une « connaissance limitée » de tous ces mécanismes et ceux qui en tirent partie, par le biais « de stratégies d’optimisation », constituent « une minorité ».

Pour autant, nuance la haute juridiction dans son référé, les chômeurs ont une « connaissance limitée » du système et ceux qui en tirent partie, par le biais « de stratégies d’optimisation », constituent « une minorité ». Reste que le régime obéit à des principes touffus, encore plus difficiles à déchiffrer depuis l’introduction, en 2014, des droits rechargeables. Son fonctionnement est source d’« inefficience » et d’« incompréhension pour les allocataires ». Dès lors, il convient d’« harmoniser » la réglementation applicable aux chômeurs en activité réduite, ce qui est de nature à remettre en cause le niveau de la prestation octroyée à des salariés mal payés (les assistantes maternelles, en particulier). Autre option à envisager : la mise au point d’une autre méthode de calcul de la prestation, qui ne se ferait plus sur une base journalière (avec le salaire journalier de référence) mais mensuelle.

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Les magistrats de la rue Cambon adressent par ailleurs des remontrances à Pôle emploi, qui propose un accompagnement « distant », voire « inexistant », pour les personnes en activité réduite. Son « offre de services (…) demeure inadaptée », regrette la Cour. De telles lacunes devront être comblées, dans la convention que l’opérateur public est en train de négocier avec l’Etat et les partenaires sociaux.

Enfin, il existe une multitude de données sur les « trajectoires professionnelles » des chômeurs : fichiers de Pôle emploi, déclaration préalable à l’embauche, déclaration sociale nominative… Mais toutes ces informations ne sont pas suffisamment rapprochées et croisées, ce « qui limite la capacité d’évaluation des dispositifs d’assurance-chômage ». Il faut les échanger de façon « plus large et plus systématique », afin d’analyser les transformations du marché du travail et l’impact des « politiques d’indemnisation ».

Autant de suggestions qui « tombent opportunément pour le gouvernement », observe Michel Beaugas (Force ouvrière) : « Elles viennent corroborer les déclarations de M. Philippe et de Mme Pénicaud, qui, sous couvert d’équité, veulent changer les règles d’indemnisation, poursuit-il. Finalement, cela se traduira par une réduction des droits pour l’ensemble des demandeurs d’emploi. »

« Visée financière »

Une inquiétude partagée par Marylise Léon, la numéro deux de la CFDT : « Certaines des solutions évoquées par la Cour des comptes nous préoccupent car elles visent les personnes en activité réduite – donc les plus précaires. » La responsable cédétiste souligne que l’idée consistant à modifier les modalités de calcul de l’indemnisation, en la déterminant sur une base mensuelle et non plus journalière, avait déjà étudié, il y a plusieurs années : « Les évaluations avaient alors montré qu’une telle mesure pouvait engendrer des économies très importantes – et se traduire par une baisse significative de l’allocation versée. »

Conclusion, aux yeux de Denis Gravouil (CGT) : la Cour des comptes en vient à « préconiser une baisse des droits des chômeurs ». « C’est le même discours que le Medef et la ministre du travail », s’indigne-t-il, en dénonçant un « nivellement par le bas » et une « visée financière au détriment des demandeurs d’emploi ».

L’exécutif a repris en main le dossier de l’assurance-chômage, à la suite de l’échec des négociations entre le patronat et les syndicats, en février. Une concertation a été engagée il y a deux semaines avec de multiples acteurs (parlementaires, associations, clubs d’entrepreneurs, partenaires sociaux…). Elle débouchera sur des mesures qui devraient être dévoilées au printemps – peut-être même dès la fin mars – pour une mise en œuvre d’ici à l’été prochain.