Nouvel Obs (03.08.2018) Le dossier s'annonce déjà explosif pour le gouvernement. Un rapport confidentiel, que "le Monde" s'est procuré, montre que le regroupement des "prestations de solidarité" dans une allocation sociale unique (ASU) pourrait faire plus de "perdants" que de "gagnants". Un constat qui ne devrait pas rassurer les milliers de ménages situés en bas de l'échelle des revenus. Inquiètes, les associations luttant contre l'exclusion avaient déjà condamné, début juillet, le report de la présentation du plan pauvreté à la rentrée prochaine.
Le dossier s'annonce déjà explosif pour le gouvernement. Un rapport confidentiel, que "le Monde" s'est procuré, montre que le regroupement des "prestations de solidarité" dans une allocation sociale unique (ASU) pourrait faire plus de "perdants" que de "gagnants". Un constat qui ne devrait pas rassurer les milliers de ménages situés en bas de l'échelle des revenus. Inquiètes, les associations luttant contre l'exclusion avaient déjà condamné, début juillet, le report de la présentation du plan pauvreté à la rentrée prochaine.
Le gouvernement souhaite réformer les dispositifs de soutien financier aux ménages modestes, le système d'aides étant devenu selon lui, indéchiffrable. De fait, nombre de personnes ne touchent aucune allocation, alors même qu'elles y auraient droit. Face à la complexité du système, le Premier ministre, Edouard Philippe, avait confié une "mission de réflexion" à France Stratégies. L'organisme de réflexion rattaché à Matignon a dès lors rendu un premier "rapport de préfiguration", en février dernier, indique "le Monde". Mais l'étude a finalement été affinée dans un second rapport, remis en juin.
L'étude livre plusieurs hypothèses. Chacune souligne que l'ASU pourrait remplacer plusieurs prestations : le revenu de solidarité active (RSA), l'allocation de solidarité spécifique (ASS), la prime d'activité, les aides au logement (AL), l'allocation adulte handicapé (AHH), l'allocation de solidarité pour les personnes âgées (ASPA, ex-minimum vieillesse) et l'allocation supplémentaire d'invalidité (ASI).
Une baisse pour 3,55 millions de ménages
Selon une première simulation, le passage à l'ASU entraînerait une diminution de revenus pour 3,55 millions de ménages, soit parce qu'ils touchent moins de prestations qu'avant... soit parce qu'ils n'en ont tout simplement plus. Dans le détail, 1,5 million d'entre eux se retrouveraient privés d'allocations, note encore le quotidien.
A l'inverse, 3,3 millions de foyers constateraient une hausse de leurs ressources. Constat moins réjouissant : la réforme ferait "presque deux fois plus de perdants que de gagnants parmi les titulaires de l'ASS" – c'est-à-dire des chômeurs en fin de droit. De même, lorsque l'on regarde les allocataires des aides au logement, les perdants seraient un peu plus nombreux que les gagnants, même si ce nouveau barème engendrerait "3,3 fois plus de gagnants que de perdants" chez les bénéficiaires de l'ASPA.
Les incidences sont donc variables selon la configuration familiale. Le taux de pauvreté diminuerait chez les familles monoparentales "ainsi que pour les couples avec un ou deux enfants", mais il progresserait sensiblement (+1,6 point) pour les personnes seules. En outre, le fait d'occuper un emploi s'avérerait plus avantageux que dans le système actuel où il peut arriver que le travail paie moins que les allocations, souligne le rapport. Une conclusion qui pourrait séduire le gouvernement voulant que ces aides sociales incitent davantage à la reprise d'activité.
"Le sujet n'est pas tranché"
Un deuxième simulation opérée dans l'étude de juin – respectant les aides accordées aux locataires du privé et du monde HLM – montre enfin que le passage de l'allocation sociale unique se traduirait par une baisse globale du taux de pauvreté de 0,4 point.
Le gouvernement va-t-il suivre aveuglément les pistes esquissées dans ce rapport ? Pour l'heure, si l'idée de fusionner les aides sociales est dans les cartons, celle-ci ne devrait pas se faire dans l'immédiat. Contacté par "le Monde", Matignon avait tempéré :
"Le sujet n'est pas tranché. Et il ne fera pas l'objet de dispositions dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2019."
Pour rappel, le gouvernement s'est engagé à mettre en œuvre de vastes économies, initialement évaluées à 60 milliards d'euros sur l'ensemble du quinquennat.