Pourquoi les femmes chauffeurs d'Uber gagnent moins que les hommes

Submitted by fabbri on Thu, 07/05/2018 - 09:53
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Les Echos (05.07.2018) Personne n'a jamais dit à l'algorithme du service de véhicule avec chauffeur qu'il fallait pénaliser les femmes. Mais, bon gré mal gré, c'est ce qu'il fait. Entre une femme et un homme chauffeur avec Uber, l'écart de revenu par heure est de 7 %, selon une étude américaine des universités Stanford et de Chicago menée sur plusieurs millions de courses aux Etats-Unis : «  The Gender Earning Gap In The Gig Economy  » publié par le National Bureau of Economic Research. Soit en moyenne 20,04 dollars de l'heure, contre 21,28 dollars pour la gent masculine. Toutefois, l'algorithme de fixation des prix ne prend pas en compte le sexe des travailleurs (ce serait juridiquement condamnable). Alors comment expliquer cette différence ?

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Personne n'a jamais dit à l'algorithme du service de véhicule avec chauffeur qu'il fallait pénaliser les femmes. Mais, bon gré mal gré, c'est ce qu'il fait.

Entre une femme et un homme chauffeur avec Uber, l'écart de revenu par heure est de 7 %, selon une étude américaine des universités Stanford et de Chicago menée sur plusieurs millions de courses aux Etats-Unis : «  The Gender Earning Gap In The Gig Economy  » publié par le National Bureau of Economic Research. Soit en moyenne 20,04 dollars de l'heure, contre 21,28 dollars pour la gent masculine. Toutefois, l'algorithme de fixation des prix ne prend pas en compte le sexe des travailleurs (ce serait juridiquement condamnable). Alors comment expliquer cette différence ?

1 L'heure et le lieu

Première raison : l'heure et le lieu de la course. Les femmes travaillent moins souvent la nuit, mais bien plus le samedi et le dimanche. Vraisemblablement, suggère l'étude, pour des questions de contraintes plus fortes dans leur emploi du temps (les enfants ? Un autre travail ?), de sécurité, et aussi pour éviter de prendre des passagers ivres.

 

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Seulement, comme elles habitent davantage dans des quartiers à forte criminalité, et comme il vaut mieux ne pas trop s'écarter de chez elles si elles ne veulent pas trop dépenser en essence, elles se retrouvent dans des zones où la sécurité est moindre. Des endroits aussi où il y a moins d'hommes, et où le pouvoir d'achat est plus faible, donc avec moins de demandes.

2 L'expérience

Deuxième raison : l'expérience. Pour tirer le maximum de profits d'une course, il faut bien connaître l'algorithme, pas forcément sur un plan technique (connaître la formule ne suffit pas), mais d'une manière empirique. Savoir quelle course accepter ou refuser pour avoir le meilleur rapport entre le temps investi pour se rendre sur le lieu où se trouve le client (temps qui n'est pas rémunéré) et le prix proposé nécessite une bonne dose d'expérience. L'expérience permet aussi de mieux prévoir si une autre course sera proposée rapidement après en avoir rejeté une.

Or les hommes passent en moyenne 50 % de temps en plus par semaine à travailler avec l'application. « Avec les données d'Uber [...] nous pouvons mesurer l'expérience des conducteurs (le nombre de courses précédemment effectuées) avec une haute précision », expliquent les auteurs.

D'autre part, les femmes ont généralement rejoint la plate-forme depuis moins de deux ans, contrairement à nombre de leurs  confrères masculins « Les conducteurs continuent à acquérir de l'expérience au moins jusqu'à 2.500 trajets. [Ils] gagnent alors 3 dollars de plus par heure (plus de 10 %) par rapport à un chauffeur qui n'a pas encore effectué 500 courses. » L'étude souligne aussi que les hommes et les femmes apprennent à la même vitesse.

3 La vitesse de conduite

Troisième raison : la vitesse de conduite. « Nous constatons que les hommes roulent 2,2 % plus vite que les femmes. » Et comme l'algorithme d'Uber prévoit une sorte de prime à la rapidité, ces dernières en bénéficient moins. Elles mettent un peu plus de temps à prendre les clients également, ce qui affecte leurs revenus.

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Cette étude est particulièrement intéressante parce qu'elle permet d'expliquer intégralement un écart de revenu où la discrimination et la négociation salariale individuelle n'entrent pas en compte.

Seulement, ce n'est pas parce que cette discrimination n'est pas intégrée dans l'algorithme qu'elle n'existe pas. Le logiciel d'Uber recrée, bon gré mal gré, des différences  existant déjà dans la société , d'autant que l'écart de revenu est comparable à ce qui peut être observé dans les autres entreprises américaines.

Rémy Demichelis