Le Temps (16.10.2017) Ces dix prochaines années, les personnes qui choisiront de devenirentrepreneurs à un stade plus avancé de leur vie seront de plus en plusnombreuses. Aux Etats-Unis, le quart des start-up sont créées par les 55 à 64 ans, analyse Jean-François Bunlon, de HSBC
Alors que les avancées technologiques devraient donner à la prochaine décennie un visage nouveau, les années 2020 subiront également de profonds changements sociaux puisqu’un cinquième de la population des pays industrialisés aura dépassé l’âge de la retraite. Ce que l’on appelle aujourd’hui l’âge d’or pourrait toutefois se transformer demain en un âge nouveau: celui d’une seconde vie active. En effet, on assiste aujourd’hui à une évolution de tendance: les quinquagénaires sont de plus en plus nombreux à se lancer dans l’aventure entrepreneuriale avec, comme principale motivation, celle de devenir (enfin) son propre patron. Chiffres à l’appui.
Pour certains, la cinquantaine est synonyme de ralentissement, voire de réduction du temps de travail. Mais il ne faut pas en faire une généralité puisque d’autres – et ils sont nombreux – envisagent cette période de vie comme un moment privilégié qui offre des opportunités uniques pour relever de nouveaux défis et lancer leur propre entreprise.
Des quinquas actifs
Arrivés à cet âge «canonique», beaucoup de quinquagénaires se sentent en effet en bonne santé et mènent une vie très active. Il en va de même pour toute une catégorie de gens ayant dépassé l’âge de la retraite. Par conséquent, il est de plus en plus fréquent de voir des seniors entreprendre. Aux Etats-Unis par exemple, environ un quart des start-up ont été récemment créées par des personnes qui ont entre 55 et 64 ans, selon l’Index Kauffman 2015, alors qu’il n’y en avait que 14% dans les années 90.
Le plus étonnant est que ces entrepreneurs seniors ne sont pas avares de défis puisqu’ils sont un sur dix à s’aventurer sur le terrain de la génération Y, à savoir le secteur de la technologie caractérisé par un fort potentiel de croissance mais aussi de risque. Il est d’ailleurs intéressant de noter les différences d’attitudes et d’aspirations entre les entrepreneurs jeunes et leurs aînés.
Priorité à l’indépendance et à la flexibilité
Si un senior décide de lancer sa propre affaire, c’est le plus souvent pour devenir son propre patron, selon l’enquête «Essence de l’Entrepreneur» réalisée en 2017 par la Banque Privée HSBC, alors que ce critère est moins prégnant chez les jeunes entrepreneurs. L’étude montre également que ces entrepreneurs veulent avoir un emploi qui s’adapte mieux à leur style de vie, avec une grande flexibilité autour des horaires et la possibilité de travailler depuis chez soi. L’objectif étant également de pouvoir mieux aménager son temps en fonction de l’agenda familial. C’est aussi l’envie de faire ce qu’ils aiment qui prime, et d’accomplir des missions dans un domaine qui les passionne. Des priorités différentes de celles des jeunes entrepreneurs dont l’un des objectifs est de gagner en influence dans leur domaine d’activité alors que cet intérêt est très peu présent chez les entrepreneurs «seniors» qui n’ont, pour la grande majorité, plus rien à prouver.
Un leadership différent
Exemptés du besoin de faire leurs preuves, les entrepreneurs plus que quinquagénaires cherchent donc moins à valoriser leur propre place au sein de l’entreprise que leurs concurrents plus jeunes, et cela s’avère être une grande force. Ils ont confiance en leur valeur et peuvent reconnaître le talent des personnes qui les entourent, sans se sentir menacés par celles-ci. Ils ont ainsi plus de facilité à déléguer des tâches à responsabilité et à monter des équipes très performantes.
Une ambition durable
N’allez toutefois pas croire que les entrepreneurs «seniors» veulent se simplifier la tâche. La majorité de ceux qui ont répondu à l’enquête se concentrent sur le futur et l’accomplissement de leurs aspirations. D’ailleurs, certains d’entre eux entreprennent dans des secteurs de pointe et en pleine croissance, dans le plus pur esprit start-up. Ils n’ont ainsi rien à envier à leurs homologues plus jeunes.
La valeur de l’expérience
Autre atout: les entrepreneurs «seniors» sont riches d’une grande expérience des suites d’un parcours professionnel déjà bien accompli. Ils ont acquis une certaine sagesse, et ont appris des échecs rencontrés au cours de leur carrière. Si certains entreprennent pour la première fois, d’autres ont déjà connu le succès auparavant. Ils ont également la chance d’avoir un carnet d’adresses bien fourni, contrairement aux jeunes pousses qui ont encore tout à construire. Ainsi, s’ils doivent lever des fonds, trouver des partenaires ou de nouveaux marchés, ils savent exactement à qui s’adresser.
Dans les dix prochaines années, les personnes qui choisiront de devenir entrepreneurs à un stade plus avancé de leur vie seront de plus en plus nombreuses. Tous ceux qui s’y essaieront ne rencontreront pas forcément la réussite, mais ceux qui connaîtront le succès créeront des emplois et de la croissance tout en servant leurs ambitions. Ce qui est extrêmement gratifiant pour ces entrepreneurs et bienvenu pour l’économie en général.