France: Assurance-chômage - les principales mesures d'une réforme choc

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Les Echos (19.06.2019) Le Premier ministre et la ministre du Travail ont présenté ce mardi la réforme de l'assurance-chômage sur laquelle les partenaires sociaux avaient échoué à trouver un accord. Toutes les mesures seront adoptées par un décret, attendu pour la fin de l'été.

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C'est la partie de la réforme qui concentre le tir de barrage des syndicats. Et pour cause,  elle chamboule les règles les plus sensibles de l'assurance-chômage à qui le gouvernement reproche - dans certains cas - de ne pas favoriser la reprise d'un emploi durable. A partir du 1er novembre, il faudra avoir travaillé au moins six mois sur les 24 derniers mois et non plus 4 sur 28 pour avoir droit à une indemnisation. Ce minimum de six mois s'appliquera également pour recharger ses droits (un mois actuellement).

Les chômeurs de moins de 57 ans dont les revenus dépassent 4.500 euros bruts se verront appliquer une dose de dégressivité : leur allocation diminuera de 30 % au bout de six mois sans descendre au-dessous de 2.261 euros nets.

Les allocations-chômage de nombreux cadres baisseront au bout de six mois

· Pas plus de 100 % de son salaire

Cinq mois plus tard, soit à compter d'avril 2020, le calcul de l'allocation changera radicalement, selon le principe « à salaire égal, allocation égale » défendu par Muriel Pénicaud. La formule basée sur le nombre de jours travaillés laissera la place à la moyenne mensuelle des salaires touchés entre le 1er et le dernier jour travaillés dans les 24 derniers mois. Ce faisant, assure le ministère du Travail, à rémunération égale, l'allocation sera la même que l'on ait travaillé de manière fractionnée ou à temps partiel et elle sera servie sur la même durée. In fine, l'allocation ne descendra jamais en dessous de 65 % du salaire net ni ne dépassera jamais 96 %, alors que dans certains cas elle peut aller jusqu'à 200 %. A noter que les règles dites de l'activité conservée - c'est-à-dire des personnes qui ont plusieurs employeurs (nounous par exemple) restent inchangées, de même que celles des intermittents du spectacle.

· 1.000 conseillers en plus à Pôle emploi

Qu'il paraît loin le temps où Muriel Pénicaud laissait entendre que les effectifs de Pôle emploi devaient suivre la courbe du chômage, laquelle baisse. L'Inspection générale des affaires sociales avait même été chargée de trouver la bonne formule. Cela ne sera pas nécessaire : opérant un virage à 180 degrés, le gouvernement met fin aux suppressions de postes au sein de l'opérateur public. Mieux, le ministère du Travail a (difficilement) obtenu de Bercy l'embauche de plus de 1.000 conseillers en CDD de longue durée, financés par les économies dégagées par la réforme. En ajoutant les gains de productivité liés au numérique, 4.000 conseillers supplémentaires seront déployés d'ici à trois ans.

Ces renforts doivent accompagner une refonte en profondeur des services de Pôle emploi. Un chômeur se verra proposer deux demi-journées d'accompagnement dans les quatre semaines suivant son inscription (aujourd'hui il ne bénéficie au mieux que de 45 minutes d'entretien dans les deux premiers mois). Les plus précaires seront suivis par des sociétés spécialisées selon des horaires aménagés. Toute formation nécessaire pour prendre un poste sera accordée.

Les entreprises ne sont pas oubliées : pour toute offre d'emploi non satisfaite au boute de trente jours, Pôle emploi s'engagera à trouver une solution. Tout cela entrera en vigueur à compter du 1er janvier 2020.

· Un bonus-malus dans sept secteurs

Pour responsabiliser les entreprises qui recourent de manière récurrente aux contrats de courte durée, la réforme prévoit d'instaurer un bonus-malus sur les cotisations employeurs à l'assurance-chômage. Sept secteurs d'activité sont concernés : l'agro-alimentaire (denrées alimentaires, boissons, tabac), les « activités scientifiques et techniques » telles que la publicité, l'hébergement-restauration, l'assainissement des eaux et la gestion des déchets, le transport et l'entreposage, la fabrication de caoutchouc et plastique, enfin le travail du bois, l'industrie du papier et l'imprimerie.

ENQUETE Contrats courts : la parole aux « accusés »

Ces sept secteurs ont été sélectionnés car leur taux de séparation, c'est-à-dire le rapport entre le nombre d'inscriptions à Pôle emploi suite à une rupture de contrats dans une entreprise donnée et l'effectif de l'entreprise, est supérieur à 150%. Ce qui signifie qu'en moyenne, ces entreprises emploient deux personnes en contrat stable pour trois en contrat précaire. Le taux de séparation tient compte de toutes les ruptures de contrats ayant donné lieu à une inscription à Pôle emploi, sauf les contrats d'apprentissage et les contrats d'insertion.

Ces sept secteurs représentent 2,4 millions de salariés, 38.000 entreprises, et 34 % des ruptures de contrats au niveau national. Le gouvernement a donc choisi de se concentrer sur les secteurs les plus exposés, laissant par exemple le bâtiment (qui est 8e sur la liste) ou encore le médico-social, en dehors du dispositif. Précision importante : le bonus-malus ne s'appliquera pas aux entreprises de moins de 11 salariés.

Bonus-malus sur les contrats courts : la bataille perdue du patronat

Une fois le taux de séparation établi, il sera comparé à la moyenne du secteur. Si l'entreprise est au-dessus de la moyenne, elle paiera un malus, si elle est au-dessous, ce sera un bonus, sur sa cotisation employeur à l'assurance-chômage. Cette cotisation pourra varier entre 3 % et 5 % (la valeur actuelle est de 4,05 %), et s'appliquera à l'ensemble de la masse salariale. Le calcul sera effectué sur les trois dernières années pour lisser les effets de chocs structurels auxquels peuvent être confrontées les entreprises.

La mesure s'appliquera au 1er janvier 2020, en prenant le taux de séparation de 2019, en 2021 avec les deux années précédentes, et ce n'est qu'en janvier 2022 que le calcul pourra se faire sur les trois dernières années. Les transferts occasionnés par les bonus-malus au sein de ces 7 secteurs d'activité doivent se chiffrer à 300 à 400 millions d'euros, selon le ministère du Travail.

· Les CDD d'usage taxés

Les CDD d'usage, qui sont normalement réservés à certains secteurs d'activité mais se sont développés de manière illégale dans des pans entiers de l'économie, se verront appliquer une taxe forfaitaire de 10 euros par contrat. Selon la ministre du Travail, 8 millions de CDDU sont signés chaque année. Les employeurs d'intermittents (audiovisuel, spectacle), ne seront pas concernés par la taxe mais conserveront la cotisation patronale supplémentaire de 0,5% introduite par la convention de 2017.