Le Temps (23.09.2019) Alors qu’Alain Berset critique les cantons qui profitent des subsides fédéraux pour réduire les primes, les Romands souhaitent une répartition plus équitable de cette aide
Mardi, tous les assurés seront fixés sur les primes maladie à verser à leur caisse en 2020. Pour nombre d’entre eux cependant, un autre facteur jouera un rôle presque aussi important: les réductions accordées par la Confédération et les cantons. Celle-ci fait l’objet d’un combat des cantons latins pour que la manne fédérale soit répartie plus équitablement à l’avenir.
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Pour la Confédération, tout est devenu plus simple depuis la nouvelle répartition des tâches effectuée en 2008 parallèlement à une nouvelle péréquation financière. Elle consacre désormais 7,5% des coûts de l’assurance de base à l’allègement des primes. Pour 2017 – ce sont les dernières statistiques à disposition –, cela a représenté un montant de 2,6 milliards, qui a été réparti en fonction de la démographie des cantons comme seul et unique critère. En complément de cette somme, les cantons sont devenus beaucoup plus autonomes dans leur politique des subsides en fonction de leur sensibilité sociale.
Les cantons qui profitent
Trop autonomes? Voilà deux semaines, le conseiller fédéral responsable de la Santé, Alain Berset, n’a pas mâché ses mots dans une interview accordée au Tages-Anzeiger. «Certains cantons ont augmenté leurs subsides, mais d’autres ont profité de la manne fédérale pour établir des programmes d’économies», a-t-il déploré. Il pensait avant tout aux cantons dont les subsides représentent moins d’un quart de la manne fédérale. Il y en a cinq: Nidwald, Appenzell AI, Berne, Argovie, Bâle-Campagne et Lucerne.
A l’opposé du tableau, les cantons au-dessus des contributions de la Confédération sont Bâle-Ville, le Tessin, suivis des cantons romands Vaud, Neuchâtel et Genève. Dans le canton de Vaud, l’allègement des primes maladie a toujours constitué un élément prioritaire de la politique sociale sous l’ère de l’ex-ministre de la Santé Pierre-Yves Maillard. A la suite du compromis trouvé dans le cadre de la réforme de la fiscalité des entreprises, le canton accorde dès cette année des subsides à tous les ménages dont la charge des primes dépasse 10% du revenu imposable. En bénéficient dès lors 265 000 personnes pour un montant total de 740 millions. Genève a suivi cet exemple et le canton augmentera sa contribution de 186 millions, mais seulement en 2020.
Cela dit, les autres cantons au-dessus de la moyenne suisse ne sont pas forcément les plus généreux sur le plan de l’aide allouée. On en veut pour preuve le canton de Neuchâtel, dont le chef du Département de l’économie et de l’action sociale, Jean-Nathanaël Karakash, dénonce les «effets pervers» de la répartition de la manne fédérale selon une logique purement démographique. La loi sur l’assurance maladie (LAMal) oblige en effet les cantons à prendre en charge l’entier des primes pour les bénéficiaires de prestations complémentaires, de même qu’à abaisser les primes des enfants et des jeunes adultes. Or, lorsque Neuchâtel a rempli ces obligations, il a déjà épuisé sa part reçue de la Confédération, soit les 315 francs qu’elle verse par assuré. Alors que beaucoup de cantons alémaniques non urbains – où les primes maladie sont moins élevées et où leur réduction n’est pas une priorité – disposent encore de 100 à 200 francs par assuré une fois leurs obligations remplies.
Le paradoxe du système actuel
«C’est paradoxalement dans les cantons qui assument les charges sociales les plus lourdes que le taux d’aide de la Confédération est le plus bas», relève encore le conseiller d’Etat neuchâtelois. Les cantons latins ont certes essayé de corriger le tir aux Chambres fédérales dans le cadre de la révision de la loi sur les prestations complémentaires, mais en vain. «La Confédération n’a pas encore pris conscience de l’ampleur du problème pour nos cantons», regrette-t-il. Petite consolation: le Conseil fédéral a été chargé de faire des propositions de correction.
Pour ce qui est des cantons les plus économes dans leur politique des subsides, le Tribunal fédéral (TF) a rendu un arrêt qui a rappelé les limites à ne pas dépasser. En janvier dernier, il a ainsi estimé que le canton de Lucerne «avait violé le sens et l’esprit de la LAMal» en se montrant trop restrictif dans la limite de revenu donnant droit à une réduction des primes. Suite à cela, le gouvernement a dû corriger le tir. Dans le canton de Berne, sous la pression d’une motion socialiste, le Conseil-exécutif a aussi été contraint de prendre des mesures: près de 13 000 assurés supplémentaires auront droit à une réduction de prime, tandis que 50 000 bénéficiaires seront davantage soutenus. Cela engendrera des dépenses de 23 millions en 2020, puis de 30 millions les années suivantes.
En Suisse romande, les cantons de Neuchâtel et du Valais ont également réagi après l’arrêt du TF, débloquant respectivement 2,5 et 3,5 millions par an en faveur d’assurés de la classe moyenne. En comparaison de la contribution fédérale, le Valais est devenu le canton romand le plus restrictif après avoir coupé 50 millions de subsides voilà cinq ans. «Ce qu’a fait le Conseil d’Etat après l’arrêt du TF n’est clairement pas suffisant», déclare le chef du groupe socialiste au Grand Conseil, Emmanuel Amoos. Mais celui-ci compte davantage sur l’initiative nationale – visant à limiter la charge des primes à 10% du revenu des ménages – que le PS suisse a lancée que sur le même postulat qu’il a fait adopter au niveau cantonal.