France: Dépendance, bientôt le cinquième risque ? Les pistes de réforme sur la table, une loi à l'automne

Submitted by dfabbri on
Body

lequotidiendumedecin (28.03.2019) Six mois après le lancement d'une grande concertation nationale pour répondre aux défis du vieillissement, Dominique Libault, conseiller d'État et président du Comité national du parcours des personnes âgées en risque de perte d'autonomie (PAERPA), a rendu ce jeudi à Agnès Buzyn son rapport. Il y compile... 175 propositions « pour une politique forte et nouvelle du grand âge en France » issues des 400 000 contributions récoltées en ligne, des 5 forums régionaux et des 10 ateliers nationaux.

Regions / Country
Global challenges
Document Type
Description/integral text (Internal-not for publishing)

Six mois après le lancement d'une grande concertation nationale pour répondre aux défis du vieillissement, Dominique Libault, conseiller d'État et président du Comité national du parcours des personnes âgées en risque de perte d'autonomie (PAERPA), a rendu ce jeudi à Agnès Buzyn son rapport. Il y compile... 175 propositions « pour une politique forte et nouvelle du grand âge en France » issues des 400 000 contributions récoltées en ligne, des 5 forums régionaux et des 10 ateliers nationaux.

Au menu, la hausse significative du taux d'encadrement soignant en EHPAD, le soutien aux aidants et aux services d'accompagnement à domicile et la réduction du reste à charge pour les personnes modestes.

Le défi est colossal. Aujourd'hui, la France compte 600 000 résidents en EHPAD. Une personne de plus de 85 ans sur cinq vit en établissement et 30 milliards d'euros par an sont consacrés à la prise en charge des personnes âgées en perte d'autonomie (dont 80 % de dépenses publiques). Mais d'ici à 2050, le nombre de personnes de plus de 85 ans devrait plus que tripler pour approcher les cinq millions. À cette date, on estime à 2,2 millions le nombre de citoyens en perte d'autonomie (contre 1,3 million en 2017). 

Hausse de 25 % du taux d'encadrement

Les 30 janvier et 15 mars 2018, les personnels des EHPAD étaient dans la rue pour témoigner de la précarisation de leurs conditions de travail. La France fait figure de mauvais élève européen quant aux moyens humains alloués aux maisons de retraite médicalisées. Avec 52 équivalents temps plein (ETP) pour 100 résidents en moyenne, elle se situe bien en dessous de ses voisins d'Europe du Nord dont certains se targuent d'un ratio d'un soignant pour un résident. 

Le rapport Libault propose la création de 80 000 postes supplémentaires « en proximité de la personne âgée » − soignant, animateurs ... − d’ici à 2024. Cela représenterait un recrutement de 13 ETP pour 100 résidents soit une hausse de 25 %.

En parallèle, la concertation a fait émerger la nécessité d'une refonte des « référentiels de compétences et de l'offre de formation correspondante » pour redonner de l'attractivité aux métiers du grand âge. Cette mesure nécessiterait un effort public de 400 millions d'euros par an dès 2020 et de 1,2 milliard d'euros en 2024.

Interrogée jeudi matin sur le sujet lors d'une rencontre de l'Association des journalistes de l'information sociale (AJIS), Agnès Buzyn s'est également prononcée en faveur d'« EHPAD davantage médicalisés », sans développer. 

Priorité à l'aide à domicile

Faisant le constat d'une offre d'hébergement « peu lisible » car atomisée, inégale et économiquement fragile, le rapport Libault propose un nouveau modèle qui favorise l'accompagnement à domicile et l'ouverture des établissements vers l'extérieur.

ll est proposé de réformer le mode de financement des services d'aide et d'accompagnement à domicile (SAAD) en fixant un tarif plancher de rémunération de ces structures à hauteur de 21 euros par heure. À cela s'ajouterait une dotation forfaitaire de trois euros par heure de prestation pour rémunérer la coordination. Un soutien dont le coût est estimé à 550 millions d'euros. En parallèle, 300 millions d'euros par an seraient consacrés au financement des démarches qualité de service et à l'ouverture des institutions vers les territoires par le développement de l'accueil temporaire. Aussi, un plan de 3 milliards d'euros sur dix ans est proposé pour rénover les locaux, en particulier publics.

Pour faciliter le maintien à domicile, la mission suggère une indemnisation des congés des proches aidants par la collectivité, « selon des modalités qui restent à définir ».

Baisser le reste à charge de 300 euros

Le coût pour les usagers et leurs proches est l'autre gros point noir. Le rapport estime à 1 850 euros par mois le reste à charge moyen – après aides et réductions d'impôt pour une personne âgée en perte d'autonomie vivant en EHPAD. Le rapport vise une réduction de ce reste à charge de 300 euros pour les personnes gagnant entre 1 000 et 1 600 euros par mois.

De son côté, Agnès Buzyn a jugé « intéressante » l'idée d'un « bouclier dépendance » pour réduire le reste à charge. Le rapport préconise cette piste pour les durées de résidence en établissement en GIR 1 et 2 supérieures à 4 ans.

Cinquième risque et recours à la CRDS 

Pour permettre un financement à la hauteur des enjeux, le rapport encourage la création d'un nouveau risque de protection sociale. Intégrer la dépendance dans le champ des lois de financement de la Sécurité sociale (LFSS) par la création d'un cinquième risque permettrait d'inscrire la perte d'autonomie dans le débat public de façon pérenne.

L'objectif proposé par Dominique Libault est de porter les dépenses publiques à 1,6 % du PIB national en 2030 (contre 1,2 % aujourd'hui), soit une augmentation de l'effort public de 35 %. « Les dépenses publiques augmenteraient pour atteindre 6,2 milliards d'euros [chaque année] en 2024 et 9,2 milliards en 2030. » Un effort que la mission exclut de financer par une hausse des prélèvements obligatoires. Agnès Buzyn est sur la même ligne : « II n'y aura pas d'impôt supplémentaire pour financer la dépendance. Cette porte est clairement fermée », a-t-elle assuré ce jeudi devant l'AJIS. 

Compte tenu de l'extinction de la dette sociale prévue pour 2024, le rapport Libault propose plutôt le remplacement de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) par un « prélèvement social pérenne dont le produit serait en partie affecté au financement de la perte d'autonomie ». D'ici à 2024, « les dépenses seraient financées en recourant à l'affectation d'excédents du régime général [...] et à un décaissement du fonds de réserve des retraites », indique le rapport.

Les solutions consistant à créer une deuxième journée de solidarité ou à augmenter les droits sur les donations et sur les successions ont été exclues par l'équipe de Dominique Libault.

Une loi « à l'automne »

« L’heure est venue de la grande prise de conscience », a déclaré Agnès Buzyn, à l'occasion de la remise du rapport. La ministre a promis « une grande loi » qu’elle présentera au conseil des ministres « à l’automne ». D’ici là, elle nommera auprès d’elle une personne chargée de lui proposer « un grand plan en faveur des métiers du grand âge » pour agir en urgence sur l’attractivité du secteur.

Interrogée enfin sur les solutions qu’elle compte privilégier, Agnès Buzyn a expliqué que « tout ce qui est proposé sera instruit ». Elle s'est montrée particulièrement ambitieuse affirmant que « nous nous engageons vers une réforme de très grande envergure, je dirais même historique ».