Suisse: Assurances sociales: -comment surveiller les surveillants

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Le Temps (26.11.2018) Dorénavant, tout le monde va s’observer. Les assureurs disposeront d’une base légale permettant d’engager des détectives pour surveiller les assurés soupçonnés de toucher des prestations sociales – notamment d’invalidité ou d’accident – de manière abusive. Les adversaires de ces dispositions vont contrôler leur mise en œuvre. Ceux qui les ont soutenues vont faire de même: ils veilleront au grain afin que les promesses faites durant la campagne soient tenues. Après l’arroseur arrosé, voici le surveillant surveillé.

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Le peuple suisse approuve à 64,7% la base légale permettant d’épier ceux qui abusent des assurances sociales. La mise en œuvre de la loi sera contrôlée de près

Dorénavant, tout le monde va s’observer. Les assureurs disposeront d’une base légale permettant d’engager des détectives pour surveiller les assurés soupçonnés de toucher des prestations sociales – notamment d’invalidité ou d’accident – de manière abusive. Les adversaires de ces dispositions vont contrôler leur mise en œuvre. Ceux qui les ont soutenues vont faire de même: ils veilleront au grain afin que les promesses faites durant la campagne soient tenues. Après l’arroseur arrosé, voici le surveillant surveillé.

Le verdict est clair: en disant oui à 64,7% à la base légale pour la surveillance des assurés, les Suisses acceptent d’autoriser les assurances à faire la chasse aux tricheurs. Le non ne l’emporte que dans deux cantons romands: Genève (58,6%) et le Jura (51,4%).

Ces mesures ne doivent être utilisées qu’avec retenue, en dernier recours, lorsqu’il est impossible de clarifier une situation autrement

Alain Berset, président de la Confédération

La nouvelle loi repose sur deux piliers. D’une part, elle donne une base légale à une pratique qui existait déjà, mais qui a été critiquée en 2016 par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) parce que ses fondements légaux étaient insuffisants. D’autre part, elle offre aux assurances de nouveaux instruments de détection des fraudes. Mais elle corsète le processus. Des détectives ne peuvent être engagés que si des indices concrets d’abus existent. Une observation ne peut se faire que si la personne surveillée se trouve dans un lieu public, un restaurant, un commerce ou sur un balcon. Les traceurs GPS peuvent être admis, mais pas les drones, les micros directionnels ou les caméras à infrarouge.

«Nous allons surveiller la mise en œuvre»

Les opposants promettent de rester vigilants. «Nous allons surveiller la mise en œuvre», promet Dimitri Rougy, codirecteur de la campagne du comité référendaire. Inclusion Handicap et Fragile Suisse craignent que cette loi n’ouvre la porte à l’arbitraire et attendent du Conseil fédéral une application stricte du dispositif de contrôle. «Les détectives devront bénéficier d’une autorisation et seront inscrits dans un registre public. Ces mesures ne doivent être utilisées qu’avec retenue, en dernier recours, lorsqu’il est impossible de clarifier une situation autrement», commente le président de la Confédération, Alain Berset.

Du côté des partisans, le directeur du Centre patronal, Christophe Reymond, rappelle sur les réseaux sociaux que les institutions sociales sont financées «par les indépendants, par les employeurs, par les employés, par tout le monde du travail» et que cela suffit à justifier la traque des abus.

Le référendum a été lancé par un comité citoyen qui a réalisé une prouesse. Il a réuni 75 000 signatures en 62 jours et a beaucoup utilisé les canaux sociaux pour propager son argumentation. Responsable de la campagne, Daniel Graf a publié les chiffres dimanche: 135 000 e-mails envoyés, 135 000 flyers, 375 000 contacts personnels, un budget de campagne de 500 000 francs, financé à 95% par des privés, les 55 000 francs restants venant de syndicats, d’ONG (Amnesty International, associations de défense des personnes handicapées), des Verts et du PS. Daniel Graf regrette que ce «vaste réseau politiquement indépendant» n’ait pas pu recueillir davantage de moyens financiers. Mais il n’en restera probablement pas là, à l’image de Dimitri Rougy, qui, à 21 ans, s’imagine rebondir ailleurs en politique.