Capital (10.07.2018) Dans le cadre de la réforme des retraites, une harmonisation des pensions de réversion du public et du privé est sur la table. Qui, des fonctionnaires ou des salariés, auraient le plus à perdre ? Cela dépend du profil.
C’est l’un des dossiers chauds de la réforme des retraites qui se profile : les pensions de réversion, ces rentes versées au conjoint survivant après un décès, pourraient voir leur règles harmonisées. Projet potentiellement explosif, car actuellement, les modalités diffèrent largement selon les régimes. En particulier entre le public et le privé. Mais quel régime est le plus généreux actuellement, et qui aurait donc le plus à perdre ? Eh bien, tout dépend de votre profil.
Les salariés du privé bénéficient d’un taux de réversion supérieur : la pension de réversion représente 54% de la pension du défunt, dans le régime de base, et 60% dans les régimes complémentaires, contre 50% dans le public. Par contre, la pension du régime de base du privé est conditionnée à un montant de ressources : si le conjoint survivant gagne plus de 20.550 euros (s’il vit seul), il ne reçoit pas de pension de réversion de la CNAV. Il n’y a de plafonnement dans le public, ni dans les régimes complémentaires du privé (voir le tableau comparatif plus bas).
Au final, l’un ou l’autre régime peut se révéler avantageux, selon les revenus touchés, comme le démontrent ces deux exemples, que nous a fourni le think tank Ifrap. Ainsi, pour un couple de fonctionnaires retraités touchant une pension de 2.017 euros brut par mois chacun, la pension de réversion versée au conjoint survivant, après le décès de l’un des membres, s’élèvera à 1.009 euros. Pour un couple touchant le même montant de pension, mais dont les membres ont fait leur carrière dans le privé, la réversion s’élèvera à seulement 406 euros. Soit 603 euros de moins ! En cause, le plafond de revenus imposé par la CNAV, qui prive le survivant de cette pension de réversion issue du régime de base, si son conjoint a travaillé dans le privé.
A l’inverse, un couple de fonctionnaires retraités touchant 1.268 euros brut par mois de pension chacun pourra prétendre à une réversion de 634 euros, tandis qu’un couple ayant travaillé dans le privé pourra espérer toucher 707 euros. Soit 73 euros de plus. Un léger avantage lié au taux de réversion supérieur dans le privé.
Au final, on peut donc affirmer que le régime du privé est légèrement plus favorable aux personnes modestes, du fait du taux de réversion supérieur. Par contre, les classes moyennes et supérieures ayant travaillé dans le privé sont désavantagées par la perte de la pension de réversion du régime de base, au-delà d’un certain plafond de revenus. “Ce plafond de ressources est d’autant plus inéquitable qu’il prend aussi en compte les revenus touchés en plus de la pension. Par exemple, une personne touchant une petite pension, mais ayant repris un travail, peut se voir privée de réversion dans le privé”, souligne Agnès Verdier-Molinié, de l’Ifrap.
Au-delà des revenus, des conditions d'âge et de non-remariage
A noter que les revenus ne sont pas le seul déterminant de la pension de réversion… dans le privé, elle est aussi soumise à une condition d’âge : s’il a moins de 60 ans, le conjoint devra attendre cet âge avant de réclamer sa pension de réversion du régime complémentaire Agirc (dédié aux cadres). S’il a moins de 55 ans, il sera même privé de l’intégralité de sa pension de réversion (régimes de base et complémentaire)... A l’inverse, dans le régime de la fonction publique, aucune condition d’âge n’est exigée pour la toucher.
Il existe aussi des conditions de remariage. Dans le privé, si le conjoint survivant se remarie, il perd sa réversion complémentaire mais conserve son droit à une pension de réversion du régime de base. Des conditions plus strictes sont appliquées dans le public, où un remariage, voire une simple vie en couple le prive totalement de sa potentielle pension de réversion.
Au final, si une harmonisation des pensions de réversion devrait donc faire inévitablement des gagnants et des perdants dans les deux camps, on peut tout de même penser que les fonctionnaires ont le plus à perdre, même si tout dépendra de la façon dont sera menée la réforme. Un rapport sénatorial avait simulé l’impact d’un rapprochement, via une mise sous condition de ressources de la moitié de la pension de réversion des fonctionnaires, une hausse de leur taux de réversion de 50 à 54% pour la partie sous condition de ressources et à 60% au-delà, ainsi que l’instauration d’une condition d’âge à 55 ans. Bilan : une économie de 220 millions d’euros à horizon de 5 ans et de plus de 1 milliard, 20 ans plus tard. Des rentrées supplémentaires que ne refuserait certainement pas Bercy…