Comment les jeunes actifs voient le monde du travail

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EurActiv (08.02.2019) Selon une enquête Domplus-BVA pour La Tribune de janvier 2019, sur 1 000 jeunes actifs de moins de 35 ans interrogés sur leur rapport au travail, 80 % placent leur carrière professionnelle au centre de leurs préoccupations

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es résultats pourraient battre en brèche quelques idées reçues : loin de se détacher du monde du travail, 66 % se sentent engagés dans leur emploi. La nouvelle génération d’actifs formule de nouvelles attentes envers l’entreprise, comme la prise en compte de leur situation familiale, l’épanouissement personnel et l’intégration d’objectifs de responsabilité et de sens. Retour sur les principaux résultats de l’enquête.

C’est un portrait contrasté de la France des jeunes actifs que dresse l’enquête Domplus-BVA-La Tribune de 2019. Menée pour la deuxième année consécutive auprès de 1 000 actifs âgés de 18 à 34 ans, elle continue de dessiner la relation ambiguë qu’entretient la nouvelle génération avec le monde du travail, entre appréhensions pour son avenir professionnel et attentes plus fortes d’une réalisation personnelle au travail.

Le contexte économique difficile n’est évidemment pas étranger aux préoccupations de ceux qui sont récemment entrés sur le marché du travail, mais leurs attentes révèlent également les changements culturels qui traversent nos sociétés : recherche d’un « sens » dans leur travail, meilleure prise en compte de l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle.

D’une année à l’autre, les principales préoccupations des jeunes actifs n’évoluent pas sensiblement. L’enjeu des ressources financières et celui de la carrière professionnelle restent les premières préoccupations évoquées par les sondés, pour respectivement 85 % et 80 % d’entre eux. Suivent les questions de vie familiale et de santé (76 % chacune), d’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle (75 %), les conditions de travail (74 %) et la vie sentimentale et sexuelle (74 %). Les questions financières restent également la première source de difficultés rencontrée par les sondés lors de l’année écoulée, citée par 26 % d’entre eux, dont 30 % parmi les actifs les moins qualifiés.

Les cadres, quant à eux, évoquent plutôt des difficultés liées à leur carrière professionnelle et à la conciliation entre vie privée et vie professionnelle (22 % pour chaque). Enfin, quelles que soient les difficultés rencontrées, le premier impact concerne toujours la vie psychique des sondés, ce qui rappelle crûment l’enjeu que constitue le bien-être au travail.

Chez les jeunes actifs, l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée ne va pas de soi

La question de l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée est d’ailleurs au centre des préoccupations des jeunes actifs. Près des trois quarts des sondés parviennent à concilier les deux d’une manière satisfaisante. Cependant, ils reconnaissent aussi que la frontière entre les deux univers est poreuse : 54 % des personnes questionnées déclarent qu’il leur arrive d’effectuer des tâches personnelles pendant leur travail, et à l’inverse, 47 % continuent à travailler sur le temps de repos (66 % parmi les jeunes cadres).

Le sociologue Arnaud Vallin revient sur ces résultats, qui pourraient sembler paradoxaux : « On aurait pu penser que la nouvelle génération, née avec Internet et les nouvelles technologies, aurait mieux su gérer la séparation entre vie professionnelle et vie privée. Or, il semble qu’elle attende tout de même que soient définis des cadres qui lui permettent de préserver chacune. »

Les jeunes actifs ont tendance à former des attentes envers leur employeur, qui ne sont « pas toujours anticipées par les entreprises » selon Arnaud Vallin. Ainsi, 40 % des sondés n’ont pas le sentiment que leur entreprise prend bien en considération le poids de leurs contraintes personnelles. Les jeunes salariés sont également 81 % à considérer que leur employeur devrait leur proposer des services de santé, et 60 % pour une aide à concilier vie professionnelle et vie privée.

Nouveaux actifs, nouvelles attentes ?

Ces préoccupations révèlent-elles des spécificités de la nouvelle génération d’actifs, parfois regroupés dans les catégories floues de « millenials » ou « génération Y » ? Ou sont-elles simplement liées à un âge de la vie laissant plus de place aux incertitudes, aux tâtonnements avant d’atteindre des positions professionnelles plus stables ? Pour Arnaud Vallin, on assiste bien à un changement de rapport au monde du travail, par rapport au modèle dominant des Trente glorieuses aux années 90.

Les jeunes qui entrent sur le marché du travail sont beaucoup plus nombreux à prévoir qu’ils changeront plusieurs fois d’entreprise, voire de métier, pendant leur carrière. Cela modifie la manière dont ils envisagent leur progression : ils cherchent à obtenir des compétences qu’ils pourront valoriser ailleurs, plutôt qu’à se placer pour monter dans l’organigramme interne.

Cette observation reste cependant liée au niveau de formation. Tandis que les plus diplômés disposent de perspectives plus variées, et d’un certain pouvoir de négociation avec l’employeur, cela est moins le cas des ouvriers, qui sont 50 % à désigner la progression en interne comme leur principale attente envers l’entreprise.

De manière plus générale, le niveau de diplôme change également ce que les nouveaux actifs espèrent retirer du monde du travail. Les cadres placent ainsi l’accent sur des domaines liés à l’épanouissement personnel, comme l’ambiance au travail, tandis que les dimensions économiques restent centrales dans les préoccupations des moins diplômés.

Deux tiers des jeunes actifs se sentent engagés dans leur travail

Contrairement à une antienne parfois entendue, il n’apparaît pas que les jeunes actifs se désengagent du monde du travail, comme le montrent plusieurs indicateurs. Tout d’abord, 66 % des jeunes salariés déclarent se sentir engagés dans leur travail, une part d’autant plus importante qu’ils parviennent à concilier vie professionnelle et vie privée (72 %). Un autre indice se retrouve dans la tendance à ne pas respecter un arrêt-maladie pour se rendre tout de même au travail, qui toucherait 27 % des sondés.

Cette proportion assez forte pourrait dériver de plusieurs causes selon M. Vallin : « La pression du supérieur ou des pairs est régulièrement évoquée, mais ce n’est pas le seul facteur. Le travail est souvent vu comme une composante intégrale de la vie du salarié, qui préfère se rendre au bureau que rester chez lui, même si son état de santé aurait pu le justifier. C’est parfois une affaire de lien social, parfois le sentiment d’être indispensable à l’entreprise. Mais attention, ne pas respecter ses arrêts-maladie peut également avoir des effets négatifs à terme pour la santé du salarié. »

Enfin, l’enquête de cette année contenait aussi une question de circonstance, sur les attentes des jeunes actifs à l’égard du débat national lancé par le gouvernement. Le pouvoir d’achat (59 %) et l’emploi (49 %) arrivent largement en tête, devant les problématiques d’impôt (40 %), mais également d’environnement (30 %). Un bon résumé des préoccupations diverses et fluctuantes de la nouvelle génération d’actifs, confrontée aux contraintes d’une intégration souvent difficile au marché du travail, tout en restant attachée aux questions de responsabilité, de développement et de sens.