Le Figaro (16.04.2018) Dimanche soir, Emmanuel Macron a évoqué la possibilité de repenser la prise en charge des personnes âgées dépendantes. Parmi ses propositions, la création d'un «cinquième risque» couvert par la Sécurité sociale a été mise sur la table. Mais de quoi parle-t-on exactement?
On sera au rendez-vous», avait déclaré jeudi Emmanuel Macron à propos de la prise en charge des personnes âgées au JT de 13 heures de Jean-Pierre Pernaut sur TF1. Dimanche soir, il a de nouveau abordé le sujet lors de son interview au Palais Chaillot. Interrogé sur BFM TV et Mediapart, le chef de l'État a en effet suggéré de créer un «cinquième risque» assuré par la Sécurité sociale, à côté des quatre déjà existants. Cette mesure pourrait notamment tenter d'apporter une solution à la crise à laquelle font face les Ehpad («établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes) et établissements de santé spécialisés en manque de moyens et d'effectifs pour accueillir les seniors.
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Alors que la population française fait face à un vieillissement important et que l'on compte de plus en plus de personnes dépendantes, Emmanuel Macron a annoncé que la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées par le système de protection sociale était une piste envisagée par le gouvernement. Le cœur du problème est aujourd'hui le financement de la dépendance, jugé insuffisant au vu des besoins croissants. Celui-ci devra dorénavant être «pensé collectivement» et être pris en charge par «l'ensemble de la collectivité nationale», a affirmé le président.
Pour résoudre l'épineux sujet du financement, Agnès Buzyn, la ministre des Solidarités et de la Santé, a évoqué la semaine dernière l'instauration d'une deuxième journée travaillée non payée par solidarité, sur le modèle du lundi de Pentecôte. Le président de la République a souligné qu'il s'agissait d'une «piste intéressante». Une nouvelle phase de réflexion est ouverte.
C'est un dossier complexe auquel Emmanuel Macron s'attaque avec cette nouvelle annonce. Depuis plusieurs mois, les personnels des Ehpad et maisons de retraite sont en effet mobilisés et réclament une amélioration de leurs conditions de travail et une meilleure prise en charge des seniors. Toutefois, même si Emmanuel Macron a ouvert une porte dimanche soir, la solution ne semble pas prévue pour tout de suite: le calendrier présenté envisage de nouvelles annonces sur le possible cinquième risque d'ici fin 2018 début 2019.
La vieillesse, la maladie, la famille et les accidents du travail
Aujourd'hui, les personnes âgées sont d'ores et déjà prises en charge par la Sécurité sociale au sein de l'une des quatre «branches» du système de protection français. Celle-ci est constituée notamment du système des retraites dont la mission principale est la distribution des différentes pensions de retraite ou de veuvage, subventions et du minium vieillesse par l'ensemble des régimes obligatoires de base ou complémentaires. Outre le risque vieillesse, la Sécurité sociale assure trois autres risques: la maladie (dépenses de santé, maternité, invalidité, décès, prévention), la famille (prestations et allocations familiales) et les accidents du travail ainsi que les maladies professionnelles (prise en charge des soins, indemnités journalières).
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En 2015, la branche vieillesse du régime général, principalement celle de la CNAV (Caisse nationale d'assurance vieillesse), représente le deuxième pôle de dépenses du régime général, avec 33,5 %, derrière la branche maladie (48,1%). Un chiffre en constante augmentation puisqu'il était de 32% en 2010 et de 32,8% en 2014, selon la Commission des comptes de la Sécurité sociale. En 2015, les 13,8 millions de retraités affiliés au régime général ont perçu 110,9 milliards de prestations nettes d'euros de la part de la CNAV.
Vers une deuxième journée de solidarité?
Si pour Emmanuel Macron l'évocation de la création d'un nouveau risque à la charge de la Sécurité sociale est une nouveauté, il n'est pas le premier à vouloir se saisir de la question de la dépendance des personnes âgées. En 2007, Nicolas Sarkozy avait annoncé son souhait d'instaurer un cinquième risque de protection sociale dans le cadre d'une réforme sur la dépendance, mais avait dû y renoncer faute de moyens financiers. Le projet avait été repris par le gouvernement Ayrault avec la loi relative à l'adaptation de la société vieillissement, entrée en vigueur le 1er janvier 2016. Le texte prévoit notamment une enveloppe annuelle de 700 millions d'euros pour l'accompagnement de l'autonomie des personnes âgées ainsi qu'une revalorisation de l'Allocation personnalisée d'autonomie (APA). Mais ses effets ont été jugés insuffisants, notamment concernant la question du financement de la prise en charge des seniors.
Avant même que le gouvernement fasse un premier pas, une vingtaine de députés LR ont déposé en mars dernier une proposition de loi «visant à financer le grand âge et la dépendance par l'instauration d'un plancher minimum de charges sociales». Ils s'appuient notamment sur le double constat d'une hausse des dépenses de prise en charge, qui devraient doubler d'ici 2060, et du nombre de personnes âgées de plus de 85 ans, qui devraient atteindre 5 millions en 2050.