LCI (19.02.2018) Promesse du candidat Macron, l'ouverture de l'assurance-chômage aux salariés démissionnaires est l'une des mesures-phare de la réforme actuellement négociée avec les partenaires sociaux. Le texte, que le gouvernement veut présenter au Parlement avant l'été, n'est pas encore finalisé, mais déjà apparaît une hypothèse forte : tous les salariés ne seront pas tous logés à la même enseigne.
Promesse du candidat Macron, l'ouverture de l'assurance-chômage aux salariés démissionnaires est l'une des mesures-phare de la réforme actuellement négociée avec les partenaires sociaux. Le texte, que le gouvernement veut présenter au Parlement avant l'été, n'est pas encore finalisé, mais déjà apparaît une hypothèse forte : tous les salariés ne seront pas tous logés à la même enseigne.
La vie des salariés démissionnaires va-t-elle subir un changement aussi drastique que l'avait promis Emmanuel Macron pendant sa campagne ? Depuis le 9 janvier et jusqu'à fin février, les partenaires sociaux phosphorent sur la réforme de l'assurance-chômage. Au coeur de leur discussion, l'ouverture des droits de l'assurance-chômage aux indépendants et aux salariés démissionnaires.
ctuellement, l'éligibilité aux allocations chômage est conditionnée par des motifs d'ordre privé (mutation du conjoint, déménagement suivant un mariage ou un Pacs), professionnels (salaires non payés) ou par une attestation de l'Instance paritaire régionale prouvant bien les efforts du démissionnaire pour trouver du travail. Autant dire que, pour les démissionnaires, la réforme appelée de ses voeux par Emmanuel Macron serait de taille, puisque, sur le million de personnes à franchir le pas (en 2016), seules 70.000 sont aujourd'hui indemnisées.es partenaires sociaux négocient dans un cadre déjà bien arrêté par le gouvernement : un droit à la démission tous les 5 ans qui, s'il est assorti d'un projet professionnel valide, tampon de Pôle emploi à l'appui, donnera droit aux allocations chômage. Le gouvernement les préférerait rabotées, les partenaires sociaux les veulent au même niveau que les autres chômeurs, mais le principe recherché est le même, note Lynda Lavitry : "Faciliter la mobilité volontaire des salariés". Pour cette sociologue, spécialiste des questions d'accompagnement des sans emploi, la réforme "est un signal qu'on adresse aux salariés".Mais pas n'importe lesquels, nuance-t-elle : "C'est calibré pour les personnes avec un très bon niveau d'études, dans un secteur professionnel dynamique."
En revanche, la mesure serait, à l'entendre, "en complète inadéquation avec les chômeurs qui sont à Pôle emploi". Lesquels sont majoritairement moins qualifiés : en 2017, l'Unedic relevait que seuls 21% des allocataires chômage avaient un diplôme supérieur ou égal au Bac + 2. Moins qualifiés... et donc, moins employables. Sans surprise, les cadres retrouvent aussi plus facilement du travail (leur taux de chômage a baissé à 3,5% en juin 2017) que, par exemple, les ouvriers non-qualifiés (20,3% en 2015). Forts d'un capital culturel et relationnel plus important, "les cadres pourront davantage démissionner", s'avance pareillement Denis Gravouil, missionné par la CGT pour les négociations entre partenaires sociaux autour de la réforme. De quoi s'inquiéter, en l'état, que cette ouverture ne bénéficie en réalité qu'à un nombre très limité de personnes.
"Nul n'est inemployable... si tant est qu'il s'adapte"
Damien Adam, député (LREM) membre de la commission des affaires économiques, qui étudiera le projet de loi avant son passage en séance plénière, en convient d'ailleurs volontiers : "Pour les salariés non qualifiés, il y a un risque plus élevé à démissionner." Un défi de plus auquel la loi répondra, selon cette jeune pousse de la majorité, puisqu'elle s'accompagne d'une réforme de la formation professionnelle : "Ça va ensemble. En même temps qu'on ouvre cette possibilité de démissionner, on accompagne les salariés pour que leur projet de reconversion réponde aux besoins des entreprises."
Une expression qui sonne aux oreilles de Lynda Lavitry comme "une très vieille histoire qui traverse les négociations entre partenaires sociaux depuis les années 1990. A chaque fois, les débats ont achoppé sur ce qu'on est en droit d'attendre d'un demandeur d'emploi. L'idée qui est montée petit à petit, c'était qu'il devait finalement se rapprocher des exigences des entreprises". Quel que soit le niveau de salaire proposé, la distance entre le domicile et le travail ou la nature du contrat, l'idée étant d'instaurer l'idée, "comme l'a dit Muriel Pénicaud, que nul n'est inemployable. J'ajouterais : si tant est qu'il s'adapte." Preuve de son importance, ce point précis a fait grincer des dents lors des négociations, confirme Denis Gravouil : "Au début, le patronat voulait que le texte contienne l'expression 'besoins des entreprises'." Après discussions, c'est une référence aux "possibilités d'emplois dans les branches professionnelles", qui concerne tous les partenaires et pas simplement les directions d'entreprise, qui a été retenue.
Le contrôle des chômeurs, côté pile de la réforme
L'enjeu de l'employabilité est d'autant plus crucial que l'ouverture de l'assurance-chômage aux démissionnaires s'accompagne de la promesse d'un contrôle "drastique" des chômeurs, en dépit d'une récente étude de Pôle emploi démontrant que 86% d'entre eux sont effectivement en recherche. Par exemple, un allocataire qui refuserait deux offres d'emplois "raisonnables" verrait ses allocations suspendues. "Ce sont les populations de Pôle emploi qui sont visées, celles qui sont déjà dans un cumul de temps partiels et de contrats précaires", observe Lynda Lavitry.
Pour Damien Adam, la réponse est encore une fois dans la formation. Pour que les salariés non-qualifiés tentés par la démission mais effrayés par le chômage "puissent inverser le rapport de force, qui est aujourd'hui du côté des employeurs, et être à la manoeuvre dans leur projet professionnel". Une vision "politique, forcément un peu stylisée", réplique notre chercheuse. "Le rapport de force restera tout à fait inégal, puisque ce sera encore au salarié, devenu chômeur avec cette réforme, de prouver qu'il est conforme aux attentes des entreprises et pas à ces dernières de s'interroger sur leur attractivité."